LA COMMUNION RÉPARATRICE DES CINQ PREMIERS SAMEDIS DU MOIS (1925-1926)
Les apparitions de Pontevedra (1925-1926)
D
urant son premier séjour à Pontevedra, du 25 octobre 1925 au 16 juillet 1926, Lucie allait être de nouveau témoin d’apparitions merveilleuses. Notre-Dame allait accomplir sa promesse envers elle : « Mais toi, Lucie, … Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » Notre-Dame venait lui révéler son grand dessein pour le salut des pécheurs en notre siècle de perdition : la communion réparatrice des premiers samedis du mois.
LA COMMUNION RÉPARATRICE
DES CINQ PREMIERS SAMEDIS DU MOIS
Dans la soirée du jeudi 10 décembre 1925, après le souper, Lucie reçut dans sa cellule la visite de la Vierge Marie et de l’Enfant-Jésus. Écoutons son témoignage :
« Le 10 décembre 1925, la très Sainte Vierge lui apparut et, à côté d’elle, porté par une nuée lumineuse, l’Enfant-Jésus. La très Sainte Vierge mit la main sur son épaule et lui montra, en même temps, un Cœur entouré d’épines qu’elle tenait dans l’autre main. Au même moment, l’Enfant lui dit : “ Aie compassion du Cœur de ta très Sainte Mère entouré des épines que les hommes ingrats lui enfoncent à tout moment, sans qu’il y ait personne pour faire acte de réparation afin de les en retirer. ”
« Ensuite, la très Sainte Vierge lui dit : “ Vois, ma fille, mon Cœur entouré d’épines que les hommes ingrats m’enfoncent à chaque instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi, du moins, tâche de me consoler et dis que tous ceux qui, pendant cinq mois, le premier samedi, se confesseront, recevront la sainte Communion, réciteront un chapelet, et me tiendront compagnie pendant quinze minutes en méditant sur les quinze mystères du Rosaire, en esprit de réparation, je promets de les assister à l’heure de la mort avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme. ” »
Chargée de cette nouvelle mission, la jeune postulante, Lucie a alors dix-huit ans, fit tout son possible pour faire connaître les demandes de Notre-Dame. Elle s’en ouvrit aussitôt à sa supérieure, mère Magalhaes, qui était gagnée à la cause de Fatima et prête, quant à elle, à se conformer aux désirs du Ciel. Lucie en fit part aussi au confesseur de la maison, D. Lino Garcia : « Celui-ci, raconte-t-elle, m’ordonna de tout écrire ce qui concernait [cette révélation] et de garder ces écrits dont on pourrait avoir besoin. » Mais il resta dans l’expectative. Lucie écrivit alors le récit de l’événement à son confesseur de l’Asilo de Vilar, Mgr Pereira Lopes, qui formula des réserves et conseilla d’attendre. Quelques jours après le 15 février, Lucie lui répondit en lui exposant en détail la suite des événements. Par bonheur, cette lettre nous a été conservée. En voici de larges extraits.
« Mon très révérend Père, je viens bien respectueusement vous remercier de l’aimable lettre que vous avez eu la bonté de m’écrire. Quand je l’ai reçue et que j’ai vu que je ne pouvais pas encore répondre aux désirs de la Sainte Vierge, je me suis sentie un peu triste. Mais je me suis tout de suite rendu compte que les désirs de la très Sainte Vierge étaient que je vous obéisse. Je me suis tranquillisée et, le lendemain, quand j’ai reçu Jésus à la communion, je lui ai lu votre lettre et je lui ai dit : “ Ô mon Jésus ! Moi, avec votre grâce, la prière, la mortification et la confiance, je ferai tout ce que l’obéissance me permettra et ce que vous m’inspirerez ; le reste, faites-le vous-même ”…
« Le 15, j’étais très occupée par mon emploi, et je ne songeais presque pas à cela [à l’apparition du 10 décembre précédent]. J’allais vider une poubelle en dehors du jardin. Au même endroit, quelques mois auparavant, j’avais rencontré un enfant à qui j’avais demandé s’il savait l’Ave Maria. Il m’avait répondu que oui, et je lui avais demandé de me le dire, pour l’entendre. Mais comme il ne se décidait pas à le dire seul, je l’avais récité trois fois avec lui. À la fin des trois Ave Maria, je lui ai demandé de le dire seul. Comme il restait silencieux et ne paraissait pas capable de le dire seul, je lui demandai s’il connaissait l’église Sainte-Marie. Il me répondit que oui. Je lui dis alors d’aller là tous les jours et de prier ainsi : “ Ô ma Mère du Ciel, donnez-moi votre Enfant-Jésus ! ” Je lui appris cette prière, et je m’en allai. Donc, le 15 février, en revenant comme d’habitude [pour vider une poubelle en dehors du jardin], j’y trouvai un enfant qui me parut être le même (que précédemment), et je lui demandai alors : “ As-tu demandé l’Enfant-Jésus à notre Mère du Ciel ? ” L’Enfant se tourna vers moi et me dit : “ Et toi, as-tu révélé au monde ce que la Mère du Ciel t’a demandé ? ” Et, ayant dit cela, il se transforma en un enfant resplendissant. Reconnaissant alors que c’était Jésus, je lui dis :
« “ Mon Jésus ! Vous savez bien ce que m’a dit mon confesseur dans la lettre que je vous ai lue. Il disait qu’il fallait que cette vision se répète, qu’il y ait des faits pour permettre de croire, et que la Mère supérieure ne pouvait pas, elle toute seule, répandre la dévotion dont il était question.
– C’est vrai que la Mère supérieure, toute seule, ne peut rien, mais avec ma grâce, elle peut tout. Il suffit que ton confesseur te donne l’autorisation et que ta supérieure le dise pour que l’on croie, même sans savoir à qui cela a été révélé.
– Mais mon confesseur disait dans sa lettre que cette dévotion ne faisait pas défaut dans le monde, parce qu’il y avait déjà beaucoup d’âmes qui Vous recevaient chaque premier samedi, en l’honneur de Notre-Dame et des quinze mystères du Rosaire.
– C’est vrai, ma fille, que beaucoup d’âmes commencent, mais peu vont jusqu’au bout et celles qui persévèrent le font pour recevoir les grâces qui y sont promises. Les âmes qui font les cinq premiers samedis avec ferveur et dans le but de faire réparation au Cœur de ta Mère du Ciel me plaisent davantage que celles qui en font quinze, tièdes et indifférentes.
– Mon Jésus ! Bien des âmes ont de la difficulté à se confesser le samedi. Si vous permettiez que la confession dans les huit jours soit valide ?
– Oui. Elle peut être faite même au-delà, pourvu que les âmes soient en état de grâce le premier samedi lorsqu’elles me recevront et que, dans cette confession antérieure, elles aient l’intention de faire ainsi réparation au Sacré-Cœur de Marie.
– Mon Jésus ! Et celles qui oublieront de formuler cette intention ?
– Elles pourront la formuler à la confession suivante, profitant de la première occasion qu’elles auront de se confesser. ”
« Aussitôt après, Il disparut sans que je sache rien d’autre des désirs du Ciel jusqu’aujourd’hui. Et quant aux miens, poursuivait-elle, c’est qu’une flamme d’amour divin s’allume dans les âmes pour que, soutenues dans cet amour, elles consolent vraiment le Sacré-Cœur de Marie. J’ai du moins le désir de consoler beaucoup ma chère Mère du Ciel, en souffrant beaucoup pour son amour. »
LE PREMIER FRUIT DE LA DÉVOTION RÉPARATRICE :
TOUTES LES GRÂCES NÉCESSAIRES AU SALUT
La chose la plus étonnante, à Pontevedra, c’est l’incomparable promesse faite par Notre-Dame : « À tous ceux qui, pendant cinq mois, le premier samedi… » accompliront toutes les conditions demandées, « je promets de les assister à l’heure de la mort avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme ». La très Sainte Vierge accorde là, avec une largesse incommensurable, la grâce de la persévérance finale, que pas même toute une vie sainte de prière et de sacrifice ne saurait mériter, car elle est toujours un don gratuit de la miséricorde divine. La promesse est sans restriction aucune : « À tous ceux qui…, je promets. » La disproportion entre « la petite dévotion » réclamée et la grâce qui y est attachée nous révèle la quasi infinie puissance d’intercession concédée à la Vierge Marie pour le salut des âmes. « La grande promesse, écrit le P. Alonso, n’est rien d’autre qu’une nouvelle manifestation de cet amour de complaisance de la Sainte Trinité envers la Vierge Marie. Pour celui qui comprend une telle chose, il est facile d’admettre qu’à d’humbles pratiques soient attachées d’aussi merveilleuses promesses. Il se livre alors filialement à elles d’un cœur simple et confiant envers la Vierge Marie. » Retenons à la lettre la promesse de la Vierge : Quiconque aura rempli toutes les conditions voulues peut être sûr d’obtenir, au moins à l’instant de sa mort, et fût-ce même après de misérables rechutes dans un état de péché grave, les grâces nécessaires de contrition parfaite pour obtenir le pardon de Dieu et être préservé du châtiment éternel.
Mais il y a beaucoup plus encore dans cette promesse. La dévotion réparatrice est proposée comme un moyen de convertir les pécheurs qui sont en plus grand danger de se perdre et comme une intercession très efficace pour obtenir du Cœur Immaculé de Marie la paix du monde.
LES CONDITIONS DE LA GRANDE PROMESSE
Pour pratiquer et faire pratiquer cette « petite dévotion », il est nécessaire d’en bien connaître les conditions.
LE PREMIER SAMEDI DE CINQ MOIS CONSÉCUTIFS.
« Tous ceux qui, pendant cinq mois, le premier samedi… » Cette exigence du Ciel vient s’insérer dans l’immémoriale tradition de la piété catholique qui, après avoir consacré la journée du vendredi à commémorer la Passion de Jésus-Christ et à honorer son Sacré-Cœur, trouva tout naturel de consacrer le samedi à sa très Sainte Mère. Et, si l’on y regarde de près, la demande de Pontevedra apparaît comme l’heureux aboutissement d’un mouvement de dévotion, d’abord spontané, puis encouragé et codifié par les Souverains Pontifes. En 1889, le pape Léon XIII avait accordé des indulgences aux fidèles qui consacreraient, par des dévotions spéciales, quinze samedis en l’honneur de la Vierge du très saint Rosaire. Le 1er juillet 1905, saint Pie X approuvait et indulgenciait la pratique des douze premiers samedis du mois en l’honneur de l’Immaculée-Conception. Le 13 juin 1912, enfin, il concédait de nouvelles indulgences à des pratiques qui ressemblent beaucoup aux demandes de Pontevedra : « Afin de promouvoir la piété des fidèles envers Marie Immaculée, Mère de Dieu, et pour réparer les outrages faits à son saint Nom et à ses privilèges par les hommes impies, Pie X a accordé, pour le premier samedi de chaque mois, une indulgence plénière, applicable aux âmes du purgatoire. Conditions : confession, communion, prières aux intentions du Souverain Pontife et pieuses pratiques en esprit de réparation en l’honneur de la Vierge Immaculée. » Cinq ans jour pour jour après ce 13 juin 1912, c’était à Fatima la grande manifestation du Cœur Immaculé de Marie « entouré d’épines qui semblaient s’y enfoncer ». Nous avons compris, dira plus tard sœur Lucie, « que c’était le Cœur Immaculé de Marie, outragé par les péchés de l’humanité, qui demandait réparation ». Ainsi le Ciel se contente de couronner un grand mouvement de piété catholique, venant préciser seulement les décisions d’un pape, et de quel pape, saint Pie X !
Toutefois, dans ce message de Pontevedra, la Vierge Marie n’exige ni quinze, ni douze, ni huit samedis qui lui soient consacrés. Elle ne demande que cinq samedis en y joignant une promesse toute différente, beaucoup plus étonnante. Il ne s’agit plus d’indulgences (c’est-à-dire de la remise des peines dues aux péchés déjà pardonnés), mais de la grâce des grâces, l’assurance de recevoir au moment de la mort « toutes les grâces nécessaires pour se sauver » ! L’on ne saurait concevoir plus merveilleuse promesse, car il y va de la réussite ou de l’échec « de l’affaire la plus importante, de notre seule affaire : la grande affaire de notre salut éternel ». (Saint Alphonse de Liguori)
LA CONFESSION EN ESPRIT DE RÉPARATION.
Il n’est pas demandé qu’elle soit faite le premier samedi du mois. Elle peut être anticipée. À la limite, la confession mensuelle pourrait suffire. Elle doit être accomplie avec la pensée de faire réparation au Cœur Immaculé de Marie. Ainsi, note le P. Alonso, « l’âme ajoute au principal motif de la douleur qui sera toujours le péché comme offense à Dieu qui nous a rachetés dans le Christ, cet autre qui indubitablement exercera une influence bienfaisante : l’offense au Cœur Immaculé et Douloureux de la Vierge Marie ».
LA COMMUNION RÉPARATRICE DES PREMIERS SAMEDIS.
Elle est, bien sûr, l’acte essentiel de la dévotion réparatrice. Pour en comprendre le sens et la portée, il faut la mettre en rapport avec la communion miraculeuse de l’automne 1916, orientée déjà par les paroles de l’Ange autour de l’idée réparatrice, et puis aussi avec la communion des neuf premiers vendredis du mois demandée par le Sacré-Cœur à Paray-le-Monial.
Mais dira-t-on, communier cinq premiers samedis de suite est presque impossible à beaucoup de fidèles qui n’ont pas de messe dans leur paroisse ce jour-là… Telle est la question que le P. Gonçalves, confesseur de sœur Lucie, lui posait dans une lettre du 29 mai 1930 : « Si l’on ne peut accomplir toutes les conditions le samedi, ne peut-on y satisfaire le dimanche ? Les gens de la campagne par exemple ne le pourront pas, bien souvent, parce qu’ils habitent loin… » Notre-Seigneur donna la réponse à sœur Lucie dans la nuit du 29 au 30 mai 1930 : « La pratique de cette dévotion sera également acceptée le dimanche qui suit le premier samedi quand mes prêtres, pour de justes motifs, le permettront aux âmes. » C’est donc non seulement la communion, mais c’est aussi la récitation du chapelet et la méditation sur le saint Rosaire qui peuvent être reportées au dimanche, pour de justes motifs dont les prêtres sont laissés juges. Remarquons une nouvelle fois le caractère catholique, ecclésial, du message de Fatima. C’est à ses prêtres et non à la conscience individuelle que Jésus confie le soin d’accorder cette facilité supplémentaire.
LA RÉCITATION DU CHAPELET.
Le 13 octobre 1917, Notre-Dame a révélé qu’elle voulait être invoquée à Fatima sous le vocable de “ Notre-Dame du Rosaire ”. À chacune de ses six apparitions, elle a demandé que l’on récite le chapelet tous les jours. Puisqu’il s’agit de réparer les offenses faites à son Cœur Immaculé, quelle autre prière vocale pourrait-elle lui être plus agréable ?
LES QUINZE MINUTES DE MÉDITATION SUR LES MYSTÈRES DU ROSAIRE.
Notre-Dame demande « quinze minutes de méditation sur les quinze mystères du Rosaire ». Il n’est pas indispensable de méditer chaque mois sur les quinze mystères. Au P. Gonçalves, sœur Lucie écrit : « Tenir compagnie quinze minutes à Notre-Dame en méditant les mystères du Rosaire. »
L’INTENTION RÉPARATRICE.
Sans cette intention générale, sans cette volonté d’amour qui désire réparer et consoler Notre-Dame, sans cette « compassion », toutes les pratiques ne sont rien, ne valent rien. Il s’agit de consoler le Cœur Immaculé de « la plus tendre des mères », tellement outragé. Soulignons l’originalité de ce message. Car il ne s’agit pas ici, du moins pas essentiellement, de consoler la Vierge Marie en ayant compassion de son Cœur transpercé du glaive des souffrances de son Fils. Certes, le message de Fatima inclut cet aspect déjà traditionnel de la piété catholique puisque, le 13 octobre 1917, Notre-Dame des Sept-Douleurs apparut en plein ciel aux trois pastoureaux. Toutefois, le sens précis de la dévotion réparatrice demandée à Pontevedra ne consiste pas tant dans la méditation des mystères douloureux du Rosaire que dans la considération des offenses que reçoit actuellement le Cœur Immaculé de Marie de la part des ingrats et des blasphémateurs qui rejettent sa médiation maternelle et bafouent ses divines prérogatives. Autant de cruelles épines qu’il faut enlever de son Cœur par d’amoureuses pratiques réparatrices, pour l’en consoler, et pour obtenir aussi le pardon des âmes qui ont eu l’audace de l’offenser si gravement.
L’ESPRIT DE LA DÉVOTION RÉPARATRICE :
LA RÉVÉLATION DU 29 MAI 1930, À TUY
Lorsque sœur Lucie se trouvait à Tuy, son confesseur, le P. Gonçalves, lui avait posé par écrit toute une série de questions. Nous en avons déjà mentionné quelques-unes. Ne retenons ici que la quatrième : « Pourquoi cinq samedis et non neuf ou sept, en l’honneur des douleurs de Notre-Dame ? » Le soir même, la voyante implorait Notre-Seigneur de lui inspirer la réponse à ces questions. Quelques jours plus tard, elle la transmettait à son confesseur :
« Me trouvant dans la chapelle avec Notre-Seigneur une partie de la nuit du 29 au 30 de ce mois de mai 1930 [nous savons que c’était son habitude de faire une heure sainte de 11 heures à minuit, plus particulièrement le jeudi soir, selon les demandes du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial], et parlant à Notre-Seigneur des questions quatre et cinq, je me sentis soudain possédée plus intimement par la divine présence et, si je ne me trompe, voici ce qui m’a été révélé :
« Ma fille, le motif en est simple. Il y a cinq espèces d’offenses et de blasphèmes proférés contre le Cœur Immaculé de Marie :
1. – Les blasphèmes contre l’Immaculée-Conception.
2. – Les blasphèmes contre sa Virginité.
3. – Les blasphèmes contre sa Maternité divine, en refusant en même temps de la reconnaître comme Mère des hommes.
4. – Les blasphèmes de ceux qui cherchent publiquement à mettre dans le cœur des enfants l’indifférence ou le mépris, ou même la haine à l’égard de cette Mère Immaculée.
5. – Les offenses de ceux qui l’outragent directement dans ses saintes Images.
« Voilà ma fille, le motif pour lequel le Cœur Immaculé de Marie m’a inspiré de demander cette petite réparation… »
Avant de citer la conclusion de cette révélation, notons que ce qui est premier dans le message de Fatima, c’est la foi, et la foi catholique précise, dogmatique. Car la vraie dévotion à la Sainte Vierge suppose toujours et nécessairement la foi en ses privilèges et prérogatives infailliblement définis par l’Église dans son Magistère souverain ou enseignés par le Magistère ordinaire et crus unanimement depuis des siècles par le peuple fidèle. Les péchés les plus graves envers la très Sainte Vierge sont donc d’abord des péchés contre la foi. Aveuglés par un œcuménisme trompeur, l’on oublie trop depuis 1962 cette vérité évidente que nous rappelle ici le message de Fatima : ceux qui nient ouvertement, en toute connaissance de cause et obstinément, les prérogatives de la Vierge Marie, commettent à son égard les plus odieux blasphèmes.
UN SECRET DE MISÉRICORDE POUR LES PÉCHEURS
Après avoir énoncé ces cinq blasphèmes qui offensent gravement sa très Sainte Mère, Notre-Seigneur donnait à sœur Lucie l’explication décisive qui nous fait pénétrer dans le secret de son Cœur Immaculé débordant de miséricorde envers tous les pécheurs, même envers ceux qui la méprisent et l’outragent Elle-même :
« Voilà ma fille, le motif pour lequel le Cœur Immaculé de Marie m’a inspiré de demander cette petite réparation et, en considération de celle-ci, d’émouvoir ma miséricorde pour pardonner aux âmes qui ont eu le malheur de l’offenser. Quant à toi, cherche sans cesse, par tes prières et tes sacrifices, à émouvoir ma miséricorde à l’égard de ces pauvres âmes. «
Nous avons là une des idées mères du message de Fatima : Depuis que Dieu a décidé de manifester son dessein d’amour, qui est d’accorder ses grâces aux hommes par la médiation de la Vierge Immaculée, il semble que leur refus de se soumettre docilement à cette volonté soit la faute qui blesse particulièrement son Cœur et pour laquelle il ne trouve plus en lui-même aucune inclination à pardonner. Ce péché-là paraît irrémissible, car il n’y a pas, pour notre Sauveur, de crime plus impardonnable que de mépriser sa très Sainte Mère et d’outrager son Cœur Immaculé qui est le sanctuaire de l’Esprit-Saint. C’est commettre « le blasphème contre l’Esprit qui ne sera remis ni en ce monde ni dans l’autre » (Mt 12, 31-32). Sœur Lucie elle-même suggère ce rapprochement dans son entretien avec le P. Fuentes.
Bientôt, en 1929, dans l’apparition de Tuy, Notre-Dame conclura la manifestation de la Sainte Trinité par cette parole saisissante : « Elles sont si nombreuses les âmes que la justice de Dieu condamne pour des péchés commis contre moi que je viens demander réparation. Sacrifie-toi à cette intention et prie. » Parole si forte que plusieurs traducteurs se sont permis de l’édulcorer ! Or, il n’y a absolument aucun doute sur le texte, Notre-Dame l’affirme avec tristesse, beaucoup d’âmes se perdent à cause de leurs mépris, de leurs blasphèmes envers Elle… Alors, donnant l’exemple de l’amour des ennemis, c’est Elle-même qui intervient en “ Mère de miséricorde et Mère du pardon ”, comme chante le Salve Mater. Elle intercède pour eux auprès de son Fils : Que les communions des cinq premiers samedis, offertes pour consoler son Cœur outragé, soient agréées par Lui en réparation des crimes des pécheurs. Que, tenant compte de « cette petite réparation » à son Cœur Immaculé, Il daigne pardonner aux ingrats et aux blasphémateurs, à tous les misérables qui ont eu l’audace de l’offenser, Elle, sa très Sainte Mère ! Et Notre-Seigneur accède à son désir. Il fait ainsi de la dévotion réparatrice un moyen sûr et facile pour convertir les âmes qui sont en péril de se perdre éternellement. Exaltant et terrible mystère de la communion des saints, qui fait dépendre réellement le salut de beaucoup d’âmes de notre propre générosité puisque la Vierge Marie, constituée par son Fils Médiatrice universelle et Mère de la divine grâce, ne peut agir seule. Elle a besoin de nous, de notre amour consolateur et de nos “ petites dévotions ” réparatrices pour sauver les âmes de l’enfer. C’est donc en définitive une des grandes intentions de la pratique des premiers samedis du mois, comme c’était déjà celle qu’indiquait Notre-Dame le 19 août 1917, invitant instamment les trois pastoureaux à la prière et aux sacrifices.
On comprend dès lors la pressante insistance de Notre-Dame, son ardent désir que soit pratiquée partout, le plus possible, cette dévotion réparatrice qui lui est chère, parce qu’elle est parfaite et donc efficace pour le salut des âmes. « Il me semble, écrivait sœur Lucie au Père Gonçalves en mai 1930, que le Bon Dieu, au fond de mon cœur, insiste auprès de moi pour que je demande au Saint-Père l’approbation de la dévotion réparatrice, que Dieu lui-même et la très Sainte Vierge ont daigné réclamer en 1925. En considération de cette petite dévotion, ils veulent donner la grâce du pardon aux âmes qui ont eu le malheur d’offenser le Cœur Immaculé de Marie, et la très Sainte Vierge promet aux âmes qui chercheront à lui faire réparation de cette manière, de les assister à l’heure de la mort avec toutes les grâces nécessaires pour leur salut. »
C’est parce qu’Elle désire nous y engager à tout prix que Notre-Dame y a joint de merveilleuses promesses. En effet, en plus de notre propre salut éternel et de la conversion des pécheurs, Elle a voulu lier à la communion réparatrice une autre promesse magnifique, celle du don de la paix. Sœur Lucie pouvait écrire, le 19 mars 1939 : « De la pratique de cette dévotion unie à la consécration au Cœur Immaculé de Marie, dépendent pour le monde la paix ou la guerre. C’est pourquoi j’ai tant désiré sa propagation ; et puis surtout, parce que telle est la volonté de notre Bon Dieu et de notre si chère Mère du Ciel. » (…)
Il importe de souligner que la politique dévoilée à Fatima n’est encore qu’un instrument dont use la Miséricorde divine pour obtenir le salut du plus grand nombre d’âmes possible. (…) Sauver les âmes, toutes les âmes, du seul mal véritable parce que le seul éternel, les arracher coûte que coûte au feu de l’enfer, tel est le premier souci du Cœur Immaculé de Marie qui se révèle d’abord comme l’ultime recours des pécheurs, et même des plus odieux et des plus misérables, car Elle est la Médiatrice de Miséricorde et la Porte du Ciel.
Extraits de Fatima, joie intime, événement mondial,
Frère François de Marie des Anges, p. 151-161
La révélation de Tuy (1929)
UNE GRANDIOSE THÉOPHANIE TRINITAIRE
Lucie, à 21 ans, novice chez les sœurs Dorothées de Tuy.
L
e 20 juillet 1926, sœur Lucie quitte le couvent de Pontevedra pour entrer au noviciat des Dorothées, installé à Tuy, petite cité espagnole. Après sa prise d’habit le 2 octobre 1926, elle prononçait ses premiers vœux le 3 octobre 1928. En 1929, l’humble Maria das Dores poursuit à Tuy sa vie cachée, si bien cachée que la plupart de ses compagnes ignorent encore qu’elle est la voyante de Fatima. Elle met en pratique le message de Notre-Dame, vivant sa règle à la perfection dans le don total aux saints Cœurs de Jésus et de Marie. (…)
La messagère était prête. Et le moment était venu. Alors se réalisa la promesse du grand Secret : « Je viendrai demander la consécration de la Russie… » Écoutons sœur Lucie raconter l’événement :
« (…) Ce fut à cette époque que Notre-Seigneur m’avertit que le moment était venu où il voulait que je fasse connaître à la sainte Église son désir de la consécration de la Russie et sa promesse de la convertir… La communication s’est produite ainsi :
« (13 / 6 / 1929). J’avais demandé et obtenu la permission de mes supérieures et de mon confesseur de faire une heure sainte de 11 heures à minuit, dans la nuit du jeudi au vendredi de chaque semaine.
« Me trouvant seule une nuit, je m’agenouillai près de la balustrade, au milieu de la chapelle, pour réciter, prosternée, les prières de l’Ange. Me sentant fatiguée, je me relevai et continuai à les réciter les bras en croix. La seule lumière était celle de la lampe [du sanctuaire]. Soudain, toute la chapelle s’éclaira d’une lumière surnaturelle et, sur l’autel, apparut une croix de lumière qui s’élevait jusqu’au plafond. Dans une lumière plus claire, on voyait sur la partie supérieure de la croix, une face d’homme, avec un corps jusqu’à la ceinture ; sur sa poitrine une colombe, également lumineuse, et cloué à la croix, le corps d’un autre homme. Un peu en dessous de la ceinture (de celui-ci), suspendu en l’air, on voyait un calice et une grande hostie sur laquelle tombaient quelques gouttes de sang qui coulaient sur les joues du Crucifié et d’une blessure à la poitrine. Coulant sur l’Hostie, ces gouttes tombaient dans le Calice. Sous le bras droit de la Croix se trouvait Notre-Dame avec son Cœur Immaculé dans la main… (C’était Notre-Dame de Fatima avec son Cœur Immaculé,… dans la main gauche… sans épée ni roses, mais avec une couronne d’épines et des flammes…) Sous le bras gauche [de la Croix], de grandes lettres, comme d’une eau cristalline qui aurait coulé au-dessus de l’autel, formaient ces mots : “ Grâce et Miséricorde ”. Je compris que m’était montré le mystère de la très Sainte Trinité, et je reçus sur ce mystère des lumières qu’il ne m’est pas permis de révéler.
« Ensuite, Notre-Dame me dit : “ Le moment est venu où Dieu demande au Saint-Père de faire, en union avec tous les évêques du monde, la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé, promettant de la sauver par ce moyen. Elles sont si nombreuses les âmes que la justice de Dieu condamne pour des péchés commis contre moi, que je viens demander réparation. Sacrifie-toi à cette intention et prie. ”
« Je rendis compte de cela à mon confesseur, qui m’ordonna d’écrire ce que Notre-Seigneur voulait que l’on fasse. »
Dans les deux lettres qu’elle adressa en mai 1930 au P. Gonçalves, son confesseur, la voyante exprima les demandes du Ciel en unissant étroitement la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis à la consécration de la Russie :
« Le bon Dieu promet de mettre fin à la persécution en Russie, si le Saint-Père daigne faire, et ordonne aux évêques du monde catholique de faire également, un acte solennel et public de réparation et de consécration de la Russie aux très saints Cœurs de Jésus et de Marie, et si Sa Sainteté promet, moyennant la fin de cette persécution, d’approuver et de recommander la pratique de la dévotion réparatrice indiquée ci-dessus. »
DIEU DEMANDE LA CONSÉCRATION DE LA RUSSIE
Le 13 juillet 1917, Notre-Dame avait entretenu les trois enfants de Fatima du sort de la Russie. Trois mois avant la “ révolution d’octobre ”, tandis qu’à Pétrograd se nouait le terrible drame, la Reine du ciel et de la paix en annonça les funestes conséquences à l’échelle du monde.
« Dans le message de Fatima, note le P. Alonso, la Russie a une place toute spéciale. Il ne s’agit pas de faire de Fatima une antithèse absolue à la Russie. Quand le mot “ Russie ” apparaît dans les textes du message de la Vierge, il a une signification historique bien concrète. Certes, il s’agit de la nation connue sous ce nom, mais elle est considérée en tant que tombée, après une affreuse révolution, entre les mains d’un pouvoir matérialiste et athée qui se propose d’en finir avec le Règne de Dieu et avec l’Église en ce monde. Fatima, par conséquent, n’a pas pour but de nous dresser contre cette malheureuse nation qui a été, de tout temps, très dévote à la Vierge. » (…)
Pour comprendre le drame de notre siècle et la réponse qu’y apporte Notre-Dame de Fatima, il est nécessaire de connaître la véritable nature du mal qui a triomphé en Russie et s’est emparé de ce pays lors de la révolution d’octobre 1917.
L’étude de l’histoire de la Russie permet de discerner ce que cette nation avait de pernicieux, dès avant la révolution bolchevique, et qui favorisa son malheur : « La dérive de ce peuple russe si saint, si merveilleux, constate l’abbé de Nantes, commença lorsque le schisme byzantin l’atteignit, le séparant de l’unité et de la charité. » Cependant, ajoute-t-il, « le phénomène bolchevique s’est développé comme un chancre sur le corps de la “ Sainte Russie ”. Il lui demeure totalement étranger. Ni la religion orthodoxe, ni la tradition slave n’ont la moindre affinité avec sa dialectique inhumaine. » (…)
Ce fut à la fin du XVIIe siècle, sous le règne de Pierre 1er (1682-1725), surnommé le Grand par ses courtisans mais communément appelé par le peuple russe l’Antéchrist, que « les démons de l’Allemagne protestante et rationaliste se jetèrent sur la Russie ». Pendant tout le XVIIIe siècle, cette nation est demeurée « le champ de bataille de deux religions, de deux civilisations, de deux formes permanentes de l’esprit moderne, la latine et la germanique, la catholique romaine et la luthéro-calviniste ». Au XIXe siècle, tandis que les foules russes connaissaient un merveilleux réveil mystique, l’intelligentsia de Saint-Pétersbourg se nourrissait de « tout ce qui venait de Germanie, ici Marx et là Nietzsche. (…) Durant cette période dramatique, les tsars de Russie vécurent en bons et honnêtes princes, épris du bien de leurs peuples. Ils assumèrent tous leur mission de représentants de Dieu sur la terre de Russie et de défenseurs des peuples orthodoxes. » Face à la révolution menaçante, leur seule erreur fut un excès de libéralisme, un manque de clairvoyance et de fermeté.
Le mal, ce que Notre-Dame va appeler les erreurs de la Russie, est donc venu de sources étrangères, et c’est précisément pourquoi ces erreurs sont toujours actuelles même si aujourd’hui le bolchevisme semble éradiqué de Russie. Ce système politique qui aboutit à la destruction des fondements religieux et humains de la société est avant tout un athéisme.
Or l’athéisme est plus que jamais partout répandu, imposé par des manières plus médiatiques que sanglantes ; il peut même se dissimuler sous des apparences religieuses, mais l’apostasie qui ravage le monde chrétien occidental témoigne que cet athéisme pratique n’est pas moins efficace ni totalitaire que celui engendré par le bolchevisme. Dès lors, les conditions affreuses dans lesquelles sont mortes les dizaines de millions de victimes du communisme sont devenues pour nous le saisissant rappel des souffrances des pauvres âmes qui iront en Enfer, victimes de la molle apostasie. Le message de Notre-Dame est donc toujours actuel, le père Alonso l’avait bien compris, lui qui écrivait dans les années 1970 :
« Fatima apparaît, dans une première projection dans le temps, comme la manifestation du Cœur Immaculé de Marie en lutte avec la Russie qui incarne actuellement le “ mystère d’iniquité ”. Mais, au-delà de l’histoire et du temps, Fatima se projette dans l’avenir comme la continuation infatigable de la lutte apocalyptique entre la Femme et le Dragon, annoncée déjà dans le livre de la Genèse. »
LA MÉDIATION MATERNELLE DE LA VIERGE IMMACULÉE
La révélation de Tuy vient couronner le cycle des apparitions de Fatima par une grandiose théophanie dont on ne trouve probablement pas d’exemple comparable dans l’histoire de l’Église depuis l’apparition qui terrassa Saul sur le chemin de Damas pour en faire de ce jour l’Apôtre des nations. Dans cette vision de Tuy, le mystère divin nous apparaît dans son mouvement de “ procession ”, de “ descente ”, puis de “ retour ”, de “ remontée ”, c’est-à-dire dans son double mouvement d’amour par lequel s’opère notre salut : mystère de “ Grâce et de Miséricorde ”, mais aussi mystère de la conversion des âmes, de la Russie et des nations, par les pratiques de réparation et de consécration demandées envers le Cœur Immaculé de Marie.
Cette théophanie nous présente la cascade rebondissante de toutes les médiations, disposées par notre Père du Ciel pour nous faire part de sa Grâce et de sa Miséricorde : Médiation du Christ notre Sauveur crucifié pour notre salut Médiation eucharistique de son Corps et de son Sang, offerts en sacrifice expiatoire et proposés en nourriture et en breuvage de communion salutaire. Médiation de cette Eau cristalline de l’Esprit-Saint communiqué qui, par le baptême et la pénitence, nous donne la Vie, nous sanctifie et nous lave des souillures du péché. Et donc, médiation de l’Église qui nous prodigue ces biens par le ministère de ses prêtres, agissant au nom du Christ et exerçant ses pouvoirs. Et, nouvelle merveille, à cette double médiation du Fils de Dieu Sauveur et de son Esprit-Saint agissant par l’Église, s’adjoint mystérieusement la médiation universelle de Marie, Mère de Grâce et de Miséricorde.
La Vierge Marie est en effet apparue « sous le bras droit de la Croix », nous offrant son Cœur. Ainsi resplendit toute la richesse de son ineffable mystère ; mystère d’un Cœur incomparable, car c’est celui de l’Immaculée conception, le Cœur transpercé de la Vierge des douleurs, Épouse du divin Crucifié, corédemptrice et « réparatrice de l’humanité déchue », le Cœur de la Mère de Dieu et de la Mère des hommes, médiatrice de la Grâce et dispensatrice universelle de la Miséricorde sur toute l’humanité rachetée au Calvaire. Dans le message de Fatima, cette pensée de la Maternité spirituelle de Marie se trouve souvent exprimée avec force. Par exemple dans cette révélation importante reçue par sœur Lucie le 29 mai 1930, où Notre-Seigneur énumère les blasphèmes qui offensent le plus gravement le Cœur Immaculé de sa Mère : « Les blasphèmes contre sa Maternité divine, en refusant en même temps de la reconnaître comme Mère des hommes. » La formule est éclairante : Mère de Dieu, parce qu’elle est la Mère du Christ, l’Immaculée est aussi “ Mère de Dieu ” à l’égard « du reste de ses enfants », comme dit l’Apocalypse, parce que c’est elle qui, dans la douleur, les enfante à la vie divine. Faut-il souligner aussi que, dans l’apparition du 10 décembre 1925, à Pontevedra, l’Enfant-Jésus, s’adressant à Lucie et parlant de la Vierge Marie, ne dit pas « ma Mère », mais « ta très sainte Mère » : « Aie compassion du Cœur de ta très sainte Mère, couvert des épines que les hommes ingrats lui enfoncent à tout moment. » Les écrits de sœur Lucie nous manifestent combien la voyante est pénétrée de cette vérité. Sous sa plume, ces expressions reviennent sans cesse : « Notre tendre Mère du Ciel, le Cœur Immaculé de Marie », « notre Mère très tendre », « le Cœur Immaculé de notre très sainte Mère ». C’est dire que Marie est « notre Mère du Ciel », de qui nous tenons toute notre vie dans l’ordre surnaturel, car c’est par Elle et jamais sans Elle que « notre Père du Ciel », qui en est la source, et Jésus notre Sauveur, qui nous l’a méritée, veulent nous la dispenser.
Comprenons-le bien, il ne s’agit pas seulement d’une affection, d’un lien moral qui ferait que la Vierge Marie nous aimerait comme une mère et nous adopterait comme ses enfants. Mais non ! C’est bien autre chose, c’est un lien ontologique, une relation d’origine qui nous unit à Elle. En méritant de devenir la Mère de Dieu, la Vierge Immaculée a aussi mérité de devenir notre Mère. Écoutons saint Pie X dont la doctrine, une fois de plus coïncide avec le message de Fatima :
« Marie n’est-elle pas la Mère de Dieu ? Elle est donc aussi notre Mère… Dans le chaste sein de la Vierge où Jésus a pris une chair mortelle, là même il s’est adjoint un corps spirituel formé de tous ceux qui devaient croire en lui. Si bien qu’en portant Jésus dans son sein, il faut dire que Marie y portait aussi tous ceux dont la vie du Sauveur renfermait la vie. Nous tous donc, qui, unis au Christ, sommes, comme dit l’Apôtre, “ les membres de son corps issus de sa chair et de ses os ”, nous sommes sortis du sein de Marie à l’instar d’un corps attaché à sa tête… Si donc la bienheureuse Vierge est tout à la fois Mère de Dieu et des hommes (Dei simul atque hominum parens est), qui peut douter qu’elle ne s’emploie de toutes ses forces auprès de son Fils, tête du Corps de l’Église, afin qu’il répande sur nous, qui sommes ses membres, les dons de sa grâce, celui notamment de le connaître et de vivre par lui. » (Ad diem illud, 2 février 1904)
Pour ne pas devancer les déclarations solennelles du Magistère, la Vierge Marie ne se dit jamais à Fatima “ la Médiatrice de toutes grâces ”, mais tout son message le suppose. L’heure est donc venue où il revient à l’Église hiérarchique, qui a reçu en dépôt le trésor de la divine Révélation, de proclamer la gloire de la Vierge Immaculée et de la présenter au monde avec autorité, au nom du Christ, comme Médiatrice de la Grâce et de la Miséricorde, pour toutes les âmes et pour toutes les nations, pour l’Église et pour la Chrétienté. Les apparitions de Fatima, avec leur accomplissement de Pontevedra et de Tuy, correspondent aux apparitions de Paray-le-Monial. Après le Sacré-Cœur de Jésus, c’est le Cœur Immaculé de Marie qui vient de la part de Dieu faire connaître le culte qui lui est dû pour préparer son “ triomphe ”, annonciateur du Règne du Sacré-Cœur de Jésus.
« Dieu veut établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. » Afin d’y parvenir, il veut nous démontrer avec éclat que c’est par Elle, et par Elle seule, que nous pouvons être sauvés des périls effroyables qui nous menacent : face à l’enfer éternel, face à l’enfer temporel du goulag soviétique, il nous la présente comme l’ultime recours, l’ultime planche du salut. C’est dans le contexte de 1929, alors que Staline portait à son comble la terreur sanguinaire et les horreurs du goulag, qu’il faut entendre la grande promesse divine « de mettre fin à la persécution en Russie », « de sauver la Russie », dit-elle ailleurs. L’atroce boucherie, les famines cyniquement planifiées, les persécutions, les tracasseries policières, la socialisation stupide et inhumaine, tout cela pouvait cesser par la toute-puissante intervention de la Mère de Dieu, cette Théotokos tant aimée du bon peuple russe qui continuait à vénérer en secret ses icônes.
Désormais, à partir de ce 13 juin 1929 où Dieu a achevé de révéler solennellement son grand dessein sur l’Église, sur la Russie et sur le monde, on peut dire que le drame de notre siècle est noué, dont l’issue dépend finalement du Saint-Père puisque c’est à lui qu’il revient de commander aux évêques de faire avec lui la consécration demandée. Bien sûr, les fidèles aussi peuvent agir efficacement : par leurs prières et leurs sacrifices, ils méritent la grâce. Mais il n’empêche que rien de décisif pour la paix et le salut du monde ne peut se faire sans le Pape. Il faut insister, car ce point du message de Fatima est souvent passé sous silence : Dieu promet d’accomplir des miracles de grâces, par la médiation du Cœur Immaculé de Marie, mais à la condition formelle que les Pasteurs de l’Église les lui réclament solennellement, et manifestent, par leur obéissance à ses demandes, que face aux extrêmes périls de l’heure, c’est d’Elle et d’Elle seule qu’ils attendent le salut. (…)
C’est dire que plus que jamais, depuis la théophanie de Tuy, tout dépend du Pape…
Extraits de Fatima, joie intime, événement mondial,
Frère François de Marie des Anges, p. 195-202
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